Le covid 19 n’a pas fait que des ravages économiques sur l’industrie du tourisme, il a généré un espace que l’Homme ne connaissait pas bien : son domicile. Je sens les frémissements à la lecture de ces premiers mots.
Je m’explique.
Un petit rappel : comme le disait Aristote, « l’homme est un animal social » ! Notre cerveau met naturellement des mécanismes d’empathie en action à la relation à l’autre. Alors comment se mettre à la place de l’autre quand il n’est pas là ? En ces temps de confinement nous avons fait évoluer nos habitudes. Nous avons été confrontés à des problématiques nouvelles qui ont fait fonctionner notre cerveau et qui a pu nous fatiguer plus rapidement et
ainsi nous rendre plus irritable. Celui ou celle qui secoue la tête négativement a une maitrise émotionnelle importante et a exercé son cerveau pour qu’il soit très malléable. Si nous rapportons ces contraintes à la taille de notre domicile, nous pouvons obtenir une relation empathique grandement perturbée. (Soit l’équation suivante p=1/m2+K, soit les problèmes rencontrés sont inversement proportionnel à la surface habitable additionnée à une constante sociale qui ∈ ℝ).
De plus une pression supplémentaire s’ajoute. Le domicile, cet espace clos et couvert que nous espérons étanche et qui est le rempart institutionnel à la propagation du COVID 19, rempart à géométrie variable en fonction de la disparition des risques extérieurs et des enjeux économiques, génère de la crainte et la crainte est un ennemi de notre équilibre et affaiblit nos capacités cognitives. Comme le disait le maréchal Lyautey « quand les talons claquent les esprits se vident », et le COVID à des tout petits talons mais qui font grand bruit. Cette situation est d’autant plus compliquée à faire vivre dans une démocratie européenne qui prône la liberté : choc de cohérence dans une période où la prise de recul se butte aux plinthes. Jeu de mot phonétique.
Un second petit rappel, notre cerveau a été construit sur les bases du nomadisme, ou pour le moins de la mobilité. L’imagination ne suffit pas à franchir durablement un espace qui symboliquement est la première frontière au moins dans nos sociétés où le principe de la propriété individuelle est prépondérant. Le mur ne permet pas de voir l’horizon et se projeter. J’entends les esprits chagrins qui pourraient prendre le contre-pied de cette réflexion en posant les principes des Lumières et des Provinces-Unies du 17 e siècle, alors faites-le dans un espace réduit, vous avez grande chance de vous prendre les pieds dans le tapis et de choir. C’est un risque important de s’écrouler dans un espace réduit encombré de problèmes et de mobiliers de tout poil. Et notre cerveau est bien congestionné par la peur de la maladie, de la pression sociétale que vous suppose être porteur sain, de faire son œuvre journalière tout en étant à l’écoute de ses enfants, de faire tout à domicile tant le télétravail impromptu, de jouer les psys pour les autres, de réparer tout ce qui n’a pu être fait dans des périodes normales, sans pour cela avoir la certitude de retrouver sa place, et là je ne parle pas que de travail.
Au-regard de ces deux aspects, qui sont tout aussi effectifs hors période de crise sanitaire mais exacerbés pendant cette dernière, nous pouvons poursuivre pour défendre le postulat initial au sujet des vacances.
Donc, si nous sommes des nomades et des animaux sociaux, les transhumances vacancières sont bonnes pour notre être primaire. Les vacances sont d’autant plus importantes dans ces périodes, car elles ont une fonction de sociabilisation, de repos. Elles développent l’estime de soi et nous offrent une prise de distance souhaitée. Elles nous permettent de nous réinventer et de reconstruire notre force de travail et comprenez ce terme non pas uniquement lié à l’emploi mais à toutes les situations sociales entravant l’individu. Les vacances sont des soupapes de sécurité pour le vivre ensemble subi dans des espaces urbains où l’humanité est compressée et/ou relégué. Enfin, les projets vacances donnent, pour certaines personnes, le sens à une année de labeur et de stress.
A cette question Jean-Didier Urbain répondait en 2012 au journaliste de l’Express: En cela les vacances feraient-elles office de régulateur social?
Exactement ; comme on offre aux soldats une permission pour éviter les désertions. L'homme politique qui n'aurait pas compris cela commettrait d'ailleurs une grave erreur: il ne s'agit pas d'encourager l'oisiveté, mais de (re)donner au peuple un espace-temps qui lui appartient. Car c'est bien là que se joue le sentiment de liberté. En vacances, on ne se contente pas de reposer le corps et les neurones, on reconstitue aussi des valeurs, des références communes.
CQFD : En temps normal, les vacances devraient être obligatoires pour tous, et en temps de confinement, les vacances un devoir !